Biographie

Tristan MURAIL

© Radio France - Christophe Abramowitz

Né au Havre en 1947, Tristan Murail obtient des diplômes d'arabe classique et d'arabe maghrébin à l'Ecole Nationale des Langues Orientales Vivantes, ainsi qu'une licence ès sciences économiques, tout en poursuivant des études musicales. En 1967, il entre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris dans la classe d'Olivier Messiaen, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris dont il obtient le diplôme trois ans plus tard. En 1971, il reçoit le Prix de Rome, puis obtient un Premier Prix de composition du Conservatoire de Paris. Il passe ensuite deux ans à Rome, à la Villa Médicis. 

A son retour à Paris en 1973, il est co-fondateur de l'Ensemble L'Itinéraire avec un groupe de jeunes compositeurs et instrumentistes. L'Ensemble obtient rapidement une large reconnaissance pour ses recherches fondamentales dans le domaine du jeu instrumental et de l'électronique en temps réel. 

Dans les années 1980, Tristan Murail utilise l'informatique pour approfondir ses recherches en matière d'analyse et de synthèse des phénomènes acoustiques. Il développe un système personnel d'aide à la composition sur micro-ordinateur, puis collabore plusieurs années avec l'Ircam où il enseigne la composition de 1991 à 1997 et participe à la conception du programme de composition assistée par ordinateur "Patchwork". En 1997, Tristan Murail est nommé professeur de composition à l'Université Columbia à New York, où il enseigne jusqu'en 2010. 

De retour en Europe, il continue de donner master-classes et séminaires partout dans le monde, a été professeur invité pendant trois ans à l'Université Mozarteum de Salzbourg, et est actuellement professeur invité au Conservatoire de Shanghai. 

Oeuvre(s)

" L'Œil du cyclone "

Pour piano et orchestre

Faber Music

SÉLECTION 2023

27'

Cette Fantaisie-impromptu a pour source d'inspiration, entre autres, la Fantaisie-impromptu en do dièse mineur de Chopin. Pour la virtuosité pianistique. Tristan Murail a voulu prendre le contrepied de son premier concerto et en faire quelque chose de plus gai, plus féérique.

Quand Liszt a commencé à développer un certain nombre de techniques tout à fait incroyables pour le piano, il a été conduit à enrichir son langage harmonique de telle façon qu'il commence à décoller de la tonalité. Néanmoins, cela reste un langage très articulé et ancré dans le romantisme. Avec Debussy et Schönberg, on est passé totalement à autre chose. On a perdu cette espèce de grand souffle romantique, ainsi que les techniques qui y étaient associées, notamment les techniques pianistiques et les techniques d'orchestration. Chez Liszt, l'orchestre joue un rôle aussi important que le piano; le développement, la continuité des idées y sont incroyables, tout en réservant des surprises dans le discours.

Dans L'Oeil du cyclone, le rapport piano/orchestre est plus proche de l'époque romantique, celle de Liszt et les autres. C'est dans le développement qu'il y a des nouveautés.

 En général, il y a un rapport d'imitation, de réponse. On retrouve cela mais avec des surprises, des passages qui sonnent de façon étrange ; le piano s'immisce dans la trame orchestrale, réapparaît d'une manière émouvante, à des moments où l'on ne s'y attend pas forcément.

" Le désenchantement du monde "

Concerto symphonique pour piano et orchestre

Henri Lemoine

SÉLECTION 2013

C R E A T I O N
4 mai 2012 - Festival Musica Viva, Munich, Allemagne - Pierre-Laurent Aimard, piano - Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks – dir. George Benjamin.
Commanditaire :    Musica  Viva,   New  York  Philharmonic,   Royal  Concertgebouw
Orchestra, Seoul Philharmonic Orchestra.

N O T I C E
Pas de notice du compositeur mais un article de Bertrand Bolognesi (Anaclase)
« (…)  cette nouvelle œuvre (…) poursuit l’aventure spectrale  dans le bénéfice de l’apport de plus en plus fin des programmes informatiques exploités par le compositeur français.


Par son titre, “Le désenchantement du monde“ se réfère au sociologue allemand Max Weber qui considéra l’avènement d’une ère nettement scientifique, dans la suite des Lumières, comme l’accès à un monde sans magie, moyennant le trauma induit :  la notion de « prosaïsme rationnel » pourrait porter atteinte au sentiment de liberté et de responsabilité  humaine.  Avec le sous-titre,  Concerto symphonique pour piano et orchestre, cette page rend hommage à Ferenc Liszt dont furent choisis la Sonate en si mineur S.178 (1853) et le Concerto en la majeur n°2 S.125 (1861) pour modèles formels (plusieurs parties traitées d’un seul trait qui les mêle).


L’effectif orchestral  peu à peu se déploie comme démultiplication des possibilités résonnantes du piano, dans une amplification progressive de l’écriture solistique « en escalier ». La section plus rythmique fait goûter des luisances qui ricochent sur des textures subtilement moirées où les timbres sont discrètement déclinés par la couleur particulière des micro-intervalles. La pièce avance bientôt vers une facture franchement massive où les motifs pianistiques, bien que relayés en délicatesse par la harpe, se fossilisent en  une  puissance autoritaire.   Dans  cet  entrelacs de  rationalité et d’imagination, c’est assurément la « fantaisie » artistique qui a le dernier mot : après une sorte de faux-final tonitruant, Le désenchantement du monde se conclut dans un calme inattendu qui regarde loin.
 

Cette création était introduite par les Jeux vénitiens écrits par Witold Lutos?awski en
1961, à la demande de l’Orchestre de Chambre de Cracovie et de la Biennale de Venise.
Avec cet opus, le musicien polonais poursuivait une approche de l’aléatoire, pour ne pas
dire de «  l’œuvre ouverte ».  En marge de l’influence de Bartók (qui,  quoique
caractérisée, accuserait bientôt ses limites) et de la théorie de Schönberg (qu’il trouvera
finalement trop contraignante), le compositeur polonais scellait par Jeux vénitiens sa
fascination pour le Concerto pour piano de John Cage, qui lui parut alors idéal de
liberté, et la notion d’indétermination chère à l’Américain.

Dès le premier mouvement, l’impression de cluster de cordes non-mesuré, alternant avec des à-plats hyper-précis, est saisissante. Après une conclusion dans la scansion fort impactée des percussions,  le  mouvement suivant,  quasi scherzo,  avance dans l’infiniment petit dodécaphonique avec une saveur que Péter Eötvös révèle plus proche de Berg que de Schönberg, jusqu’en son aphorisme conclusif par les vents. Assurément, le public est happé par cette interprétation raffinée, comme en témoigne la concentration extrême  qui dans un silence précieux laisse respirer les enchainements.  Ainsi  le mélismatique récitatif de flûte, dont certains aspects annoncent Aperghis, déambule-t-il en toute sérénité, avant que le quatrième et ultime jeu entrechoque vigoureusement les éléments précédents, à tous les postes, souvent en dehors de toute battue. Au retour d’une partie de percussion scandée largement d’alors se fondre dans l’obstination du piano et le gazouillis de la harpe, soudain définitivement interrompu. (…) »
Source : Site Anaclase, article écrit par Bertrand Bolognesi suite au concert « Tristan Murail | Le désenchantement du monde ?Pierre-
Laurent Aimard, Peter Eötvös, Koninklijk Concertgebouworkest » Concertgebouw, Amsterdam - 14 septembre  2012.

 

" Contes cruels "

Pour 2 guitares électriques et orchestre

Editions Lemoine

(Le Havre, 1947)


Né en 1947 au Havre, Tristan Murail obtient un diplôme d'arabe classique et d'arabe maghrébin à l'Ecole nationale des langues orientales ainsi qu'une licence ès sciences économiques à l'Institut d'études politiques de Paris avant de s'orienter vers la composition. Elève d'Olivier Messiaen, il reçoit le Prix de Rome en 1971 et passe deux ans à la Villa Médicis. A son retour à Paris en 1973, il est co-fondateur de l'ensemble L'Itinéraire avec un groupe de jeunes compositeurs et musiciens. L'ensemble obtient très rapidement une large reconnaissance pour ses recherches fondamentales dans le domaine du jeu instrumental et de l'électronique. Dans les années quatre-vingt, Tristan Murail commence à utiliser l'informatique pour approfondir sa recherche des phénomènes acoustiques. Il collabore plusieurs années avec l'Ircam où il enseigne la composition de 1991 à 1997 et participe au programme d'aide à la composition Patchwork. Tristan Murail enseigne également dans de nombreux festivals et institutions, entre autres, aux Darmstadt Ferienkurse, à l'Abbaye de Royaumont, au Centre Acanthes, etc.


Il occupe actuellement la chaire de composition à l'Université de Columbia, à New York.

 

NOTICE


« Contes cruels » pour deux guitares électriques et orchestre n'est pas un double concerto en lui-même : les guitares font subrepticement irruption au sein de l'orchestre et donnent à ces contes cruels une couleur inhabituelle. Ainsi la seconde guitare est-elle accordée un quart de ton plus haut de manière à atteindre une plus grande palette d'harmoniques. Murail utilise également les modulateurs en anneau, une pédale d'effets des années soixante dix, années pendant lesquelles Murail a petit à petit commencé à se faire un nom comme compositeur.


« Contes cruels » se compose d'une chaîne de mouvements mélodiques en expansion et en régression: des couleurs transparentes, qui se meuvent les unes vers et à l'intérieur des autres, s'opposent à des gestes qui ne s'approchent les uns des autres que pour revenir d'un bond à leur point de départ.


« Contes cruels » fait référence aux nouvelles de l'écrivain français Villiers de l'Isle-Adam. On peut également résumer la forme de l'oeuvre de Murail en une série de "contes", même si le compositeur a vite fait de nous rappeler qu'il ne saurait être ici question de musique à programme. Quelquefois, pourtant, comme au début, le soliste joue un motif que Murail fait reposer sur les mots "Il était une fois". Murail fait aussi référence, de manière drôlatique, à la nouvelle Le secret de l'ancienne musique, qui, d'après Murail, est "l'histoire bizarre d'un joueur de Chapeau-chinois (le Chapeau-chinois est un instrument à percussion composé de nombreuses clochettes disposées autour d'une barre centrale, qu'il est très difficile d'empêcher de sonner). Le joueur de Chapeau-chinois est engagé pour jouer un solo dans une nouvelle oeuvre d'un compositeur d'avant-garde (du XIXe siècle !) - sa partie consiste en des crescendos de silence. A la fin du concert, l'interprète proteste publiquement contre la nouveauté de cette musique, de manière si véhémente qu'il en tombe dans la grosse caisse, déchirant sa membrane pour disparaître à l'intérieur. Un auditeur attentif entendra quelques allusions humoristiques à ce conte dans ma pièce..."?Note de programme pour la première mondiale à Amsterdam?

Traduction française : Anna Svenbro